Filles & maths : une graine plantée, un plan à faire éclore ?

Le plan Filles et maths lancé en mai 2025 par le ministère de l’Éducation nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche offre une lueur d’espoir quant à la prise en compte par les pouvoirs publics du problème de la sous-représentation des femmes dans les formations et les métiers de l’ingénierie et du numérique. Ce plan contient une mesure-phare : + 30 000 filles en maths au lycée en 2030, à mettre en regard des – 30 000 filles en maths au lycée depuis la réforme de 2019. Ce plan réussira à condition que la baisse structurelle constatée soit corrigée par une autre mesure structurelle d’offre d’une formation plus polyvalente en sciences pour tous les élèves du lycée. Et à condition que, porté par des mesures et moyens concrets, il soit étendu à la formation des enseignants, aux autres disciplines scientifiques, et à l’enseignement scientifique à l’école primaire et au collège.

Un plan d’actions ministériel bienvenu en faveur des filles et des maths

Le 7 mai 2025, Élisabeth Borne, ministre de l’Éducation nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, lance le plan d’actions Filles et maths : pour que les jeunes filles prennent toute leur place dans les métiers de l’ingénieur et du numérique[1]. L’existence du plan est justifiée par une inégalité de formation : les filles ne représentent que 25% des étudiants intégrant des formations aux « métiers d’ingénieurs et du numérique » ; par une inégalité sociale : les filles s’orientent bien plus que les garçons vers des métiers moins rémunérateurs ; par un déficit économique : il manquerait chaque année 20 000 ingénieurs et 60 000 techniciens en France. Ces constats peu contestables justifient pleinement l’objectif du plan d’actions. L’atteindre est d’autant plus urgent à l’heure où la souveraineté économique et en particulier numérique de la France et de l’Europe devient un enjeu géopolitique prégnant.

Une mesure majeure : +5000 lycéennes en maths par an jusqu’en 2030…

Sur les huit mesures que comporte le plan Filles et maths, deux ont trait à la communication, dont on sait qu’elles sont sans impact sur l’orientation des filles, ou au mieux qu’elles n’ont qu’un léger impact positif pour les filles ayant déjà de bons résultats en sciences. Deux autres visent à former les enseignants aux biais de genre. En deux heures pour tous les enseignants, et en une journée pour les professeurs de mathématiques. Or ce sont les enseignants de toutes les disciplines qui devraient être formés à la même hauteur, parce que les biais de genre agissent dans toutes les disciplines sans exception.

La création des classes « maths et sciences » en 4e et 3e paritaires va dans la bonne direction. Mais, avec un horizon de cent classes en 2026, rapporté aux plus de 30 000 classes existantes par niveau, la mesure, aussi positive soit-elle dans son objectif, est numériquement anecdotique.

Les mesures concernant les CPGE pointent de réels problèmes de sous-représentation des femmes parmi les élèves et les professeurs. Or les femmes entrant en CPGE représentent moins de 8% des élèves, sont favorisées socio-économiquement et constituent déjà un peu plus de 30% des effectifs en moyenne. Les enseignants des CPGE ne représentent que 3% des enseignants en France : l’augmentation visée ne concerne que le recrutement de deux à trois femmes supplémentaires par an. Ces deux mesures sont elles aussi de portée marginale. Le plan passe sous silence les filières réellement sinistrées en matière de part de filles : les BTS et BUT, et toutes les filières d’informatique et de sciences de l’ingénieur.

Demeure une mesure-phare : +30 000 filles en maths au lycée en 2030. C’est exactement la baisse du nombre de filles en maths depuis la réforme du lycée.

… qui nécessite une action structurelle majeure !

Une baisse d’une telle ampleur ne peut être corrigée que par une autre mesure structurelle, comme celle qui consisterait à maintenir trois spécialités en terminale, pour éviter aux élèves de première le choix cornélien de la spécialité à abandonner et pour garantir la polyvalence d’une formation scientifique large qui maintient ainsi « le choix des possibles »[2].

Un diagnostic pertinent, d’autres leviers concrets à actionner

Le plan Filles et maths, avec les constats qu’il effectue sur le caractère socialement et économiquement négatif de la trop faible part des filles en maths, et par son titre même, pose un diagnostic pertinent sur la situation des femmes dans les carrières de « l’ingénierie et du numérique ». Mais pour qu’il permette d’augmenter réellement le vivier de lycéennes en mathématiques et plus largement en sciences, il doit s’attaquer à trois autres enjeux :

  • la formation des enseignants : aujourd’hui, 80% des professeurs des écoles n’ont pas de formation scientifique et les futurs professeurs du secondaire abordent l’enseignement supérieur majoritairement sans avoir suivi de spécialité scientifique ;
  • l’augmentation du taux de filles dans les autres sciences, en particulier l’informatique et les sciences de l’ingénieur, réellement sinistrées, elles, en la matière ;
  • le renforcement de la formation scientifique pour tous les élèves dès le collège, voire dès l’école primaire.

Ainsi, ce plan permettrait de faire éclore un réel renouveau de la formation scientifique qu’il ne porte aujourd’hui qu’en germe, renouveau dont la jeunesse a besoin tant pour son épanouissement intellectuel que comme base du renforcement de l’autonomie scientifique et industrielle du pays.

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[1] https://www.education.gouv.fr/plan-filles-et-maths-pour-que-les-jeunes-filles-prennent-toute-leur-place-dans-les-metiers-de-l-450370

[2] Filles et mathématiques : lutter contre les stéréotypes, ouvrir le champ des possibles, rapport IGESR et IGF mai 2025